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Réponse d'Alain Broueil

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Bonjour,


La constitution que j'avais commencée, et que vous connaissez maintenant : elle est enfin terminée.

Ou plutôt, j'en ai rempli en totalité le début, le milieu et la fin, car en fait je continue d'y ajouter ici ou là mais bon, ce qui est terminé, c'est la base de travail à partir de laquelle toutes les discussions et modifications deviennent possibles. Je me suis servi du travail critique que vous avez publié. D'une part, pour réviser certaines formulations qui pouvaient prêter à confusion.
Exemple : à propos du référendum d'initiative populaire, vous avez souligné que les idées ne devaient pas être personnalisées.

Mais en attachant le nom et l'adresse du collecteur -- et non de l'initiateur -- à la pétition, mon intention était bien différente : interdire que n'importe qui puisse se prétendre collecteur, et en profite pour entraîner des signatures dans un trou noir.

Il est encore plus facile de tricher sur une pétition que sur un vote, et il faut prévenir ces tricheries par des mesures adaptées. Je n'ai d'ailleurs pas corrigé cette formulation-là, mais par contre j'ai récupéré votre idée qu'après tout le pouvoir pouvait bien lancer le référendum sans attendre la totalité des signatures pour raccourcir le processus.

D'autre part, donc, et comme démontré par l'exemple ci-dessus, vous m'avez permis de procéder à quelques corrections et ajouts -- ainsi, la gratuité des dépôts de brevets et l'interdiction de breveter les textes et méthodes juridiques et fiscales.

Un certain nombre de remarques avaient leur réponse ailleurs dans ma Constitution et là je n'ai pas cherché à les déplacer, je pense aussi que la version définitive répondra à beaucoup de vos questions et attentes, entre autres celle-ci : que se passerait-il si un beau parleur entraînait les électeurs sur un terrain dangereux ?

La réponse était déjà dans la hiérarchie des normes, qui interdit de légiférer contre les principes fondateurs, y compris comme c'est précisé dans le chapitre qui lui est consacré par référendum d'initiative populaire (d'où la précision de limites). Mais ce qui me paraît le plus important dans ma démarche est aussi ce sur quoi nous divergeons le plus : le statut juridique des droits inaliénables.

Les principes ne peuvent avoir le même statut juridique que les institutions et les lois, et il me semble important qu'ils soient déclarés dans des documents séparés, sous peine qu'ils perdent leur pouvoir protecteur.

Et quant à la Déclaration des Droits de l'Homme, peu importe que le texte soit imparfait, l'important est qu'il soit intouchable. Car retoucher les droits peut conduire à tout, et alors oui, n'importe quel beau parleur pourra entraîner la société sur le terrain du racisme ou du fascisme.

De même, les droits de l'homme sont dits "ni amendables, ni négociables" : le TCE a démontré que les inscrire dans la Constitution leur faisait perdre ce statut, puisqu'y étaient supprimés pas moins que le droit de vote, le droit à la vie, et le principe d'égalité, bien évidemment pas dans le préambule mais c'est le mélange de tout, principes, institutions et lois, dans un seul et même document, qui avait permis la manipulation. La différenciation est importante. Encore, rappeler les devoirs attachés aux droits peut avoir un certains sens quand il s'agit de discussions morales, mais de telles considérations sont très dangereuses dans une déclaration de droits : cela revient à les rendre négociables.

C'est ainsi que fonctionnent l'Islam et les Témoins de Jéhovah, qui accordent le salut aux bons croyants suivant les bons préceptes -- et j'ai suffisamment côtoyé l'Islam en Algérie et les Témoins de Jéhovah en France pour mesurer à quel point la morale bride la conscience, tout en libérant les instincts les moins avouables car bien sûr, la morale, on l'utilise toujours contre les autres.

Les Calvinistes, pour qui le salut est accordé d'office, sont rendus libres de leurs actes, et il en ressort que leurs actes sont plus empreints de morale et de considérations humanistes.

N'importe quel arriviste ne manquera pas d'utiliser les devoirs attachés aux droits pour monter contre des minorités et dresser les uns contre les autres, en vertu du proverbe : on trouve toujours la rage quand on veut tuer son chien.

Dans une déclaration de devoirs on trouvera toujours de quoi accuser et fusiller les autres, et se dédouaner soi-même. Non qu'il ne faille définir des devoir citoyens, mais c'est le rôle de la législation, non celui d'une déclaration de principes.

Il ne faut pas oublier que les principes sont destinés à tous, mais en priorité aux autres : des droits, donc, si on entend les respecter. Des devoirs, n'aboutiront qu'à donner les moyens de les châtier, et donc à leur dénier des droits.

Ne pas séparer principes, institutions et lois revient en fait à nier le caractère constitutionnel des institutions, et à revenir à ce qu'on appelle un état légal, où les règles se redéfinissent au gré des lois et des caprices, sans aucune continuité ni assurance d'humanisme.

La Constitution est une avancée de civilisation, qu'il ne faut surtout pas gâcher.

Ceci dit, bien sûr, toute question est ouverte.

Bonne continuation

Alain Broueil

Lien vers cette constitution

Page écrite le 20-01-2007

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