Corrections de langage !
La compétitivité.
La compétitivité
(wikipedia)
Voilà une notion à la mode qui émaille la plupart des discours de toutes les couleurs politiques, comme si cette pratique avait des vertus universelles, mais qui explique ce que c’est ? Qui nous en donne une définition qui observe ce que cela implique ?
Moteur du libéralisme ?
Déjà l’économie fondée sur une liberté totale d’entreprendre la « main invisible du marché » conduit à des comportements non logiques, mais cela se justifie par une motivation qui serait unique et généralisée pour chacun d’accroitre sa compétitivité. Cette main invisible dans le scénario proposé (« Pourquoi des concurrents ouvrent leurs magasins les uns près des autres? » n’agirait pas du tout de la même façon si chacun savait se contenter avec plus de sagesse de ce qu’il a, au lieu de toujours chercher à avoir plus. Je ne sais si c’est la compétitivité qui animerait de façon positive cette main invisible mais au moins dans le cas évoqué le résultat est plutôt négatif pour la clientèle.
La raison des chiffres ou l'expression des envies
Puisque nous sommes dans l’exemple d’un commerce, comment se juge son résultat, quel est sa compétitivité ? Un comptable observe
que les achats se répartissent sur 20% des articles, les 80% vendus rarement restant prennent une place couteuse et une gestion
déficitaire, alors du haut de ses colonnes de chiffre le comptable n’a qu’une suggestion supprimer ces 80% trop peu rentables.
Oui c’est mathématiquement logique mais le processus d’achat n’est pas logique, en général il prendra toujours la même chose
mais de temps en temps il s’offre une variante, car nous n’achetons pas par calcul mais par envie, or rien n’est plus éloigné
de la raison que l’envie. En supposant le commerçant assez crédule pour suivre son comptable : Pour optimiser sa compétitivité
s’il supprime la variété dans son magasin les 80% moins utiles qui grèvent ses prix, il supprime en même temps le choix, moteur
de l’envie de venir chez lui de la part de ses clients.
Au passage on peut remarquer que l’envie est le contraire de la raison, car la raison nous inciterait à acheter les articles
faisant le moins de publicité possible, car cette pub est forcément un surcoût inutile dans le prix du produit, et si le produit est vraiment correct il ne devrait pas avoir besoin de publicité. Or c’est précisément le contraire, donc les calculs issus de la raison ne devraient pas être prioritaires dans l’orientation des décisions commerciales.
La réalité des pratiques
Il suffit d’observer la réalité autour de nous car malgré cette supposée obligation de compétitivité, nous avons tous plus ou moins loin de nous des épiciers, heureusement pour notre survie, parce que ces épiciers, contrairement aux grandes surfaces, développent une notion de service, une sagesse préférant oublier l’ambition pour savoir se contenter de vivre de ce qu’ils ont, sans souhaiter ni grandir, ni faiblir. Le plaisir de jouer son rôle sans prétention, préférant l’efficacité à la compétitivité. Rien que le constat de leur survie me fait refuser d’admettre comme une évidence l’exigence nécessaire d’une compétitivité.
L'entreprise: Objet sacré de l'économiste
Mais quand nos grands parleurs évoquent la compétitivité, ils pensent avant tout aux entreprises, et non au commerce, comme si l’essentiel de l’activité économique est l’œuvre des entreprises de production. Commerce, service publics, santé, éducation, administrations, associations, ne sont pas une partie très considérée dans l’économie, faut dire que leurs dirigeants n’ont pas le lobbying et les moyens suffisants pour qu’ils puissent s’imposer. Satisfaire des besoins de santé ou d’éducation apparait dans leurs discours un peu comme une forme de luxe couteux, alors que satisfaire des besoins matériels serait l’essentiel, comment peut-on être aussi matérialiste !
La compétitivité, évidence "darwinienne"!
La référence sous-entendue qui sert de justification à la compétitivité, est une interprétation de la loi de la jungle, où celui qui est en meilleure santé gagne par sa force le droit de se reproduire, comme en économie où l’entreprise la plus méritante gagnerait un droit d’essaimer. Mais peut-on glisser aussi facilement d’une notion de territoire sexuel à la notion de propriété économique. Car le territoire du mâle dominant se limite à ses capacités individuelles, alors que la propriété ne connait aucune limite.
Parlant de loi de la jungle, je pense à l’Afrique et voici que j’observe un curieux effet. Ce continent est réputé pour être très peu organisé sur le plan de la compétitivité économique. Pourtant c’est là que les entreprises chinoises arrivent et embauchent, précisément pour accroitre leur compétitivité ! Un reportage TV en Ethiopie : une usine est construite par les chinois et fabrique des chaussures en cuir, les boites vu les images sont des « Guess » une marque vendue par des magasins de classe en France ! En raccourci pour être embauché il ne faut surtout pas être compétitif soi-même, mais être seulement de la main d’œuvre considérée comme compétitive pour des entreprises.
L'exploitation des décalages
C’est le décalage entre deux modèles économiques africains et asiatique qui permet à l’un d’eux d’atteindre de meilleurs objectifs, amplifié par un décalage monétaire d’une totale injustice. C’est aussi le décalage dans le domaine des acquis sociaux qui avait fait le bonheur de la Chine. La compétitivité est très souvent la réussite issue de l’exploitation de ces décalages ce qui conduit le perdant à détruire ses avantages construits au cours des siècles. La compétitivité = Une soustraction des progrès.
L'image plus forte que la raison des chiffres
La priorité au quantitatif chiffrable se fait au détriment du qualitatif des conditions de productions et de celle des produits fabriqués. Dommage pour le gestionnaire que de devoir être obligé à un minimum de qualité pour vendre car cette qualité coûte très cher. Mais comme montré plus haut cette vision comptable de l’entreprise n’est pas réaliste car elle oublie le choix des clients qui reste visible bien que très manipulé par les publicités. Quand Toyota rappelle des millions de voiture pour corriger un petit souci bénin, cela ne donne pas à cette marque une image négative d’imperfection mais tout au contraire cela lui donne une aura de grande conscience professionnelle. L’envie d’acheter a plus de poids que la raison logique qui devrait se méfier de celui qui vend des produits reconnus imparfaits.
Ce sont les clients qui imposent plus de compétitivité ?
Est-ce que les clients poussent à plus de compétitivité ? Nos journalistes en tout cas nous le font croire, nous serions censés
acheter toujours le moins cher, le meilleur rapport qualité/prix. Mais cette idée est réfutée par les faits. L’achat par envie
n’est pas logique, d’ailleurs à quoi servirait la publicité sinon susciter une envie très éloignée de l’étude sérieuse du rapport
qualité prix. Certaines pubs automobiles parmi les plus travaillées, ne donne strictement aucune information sur la qualité ou
le prix, elles se contentent de générer une envie en s’appuyant sur toutes les connaissances de subjectivité psychologique.
Observez le commerce du luxe, fleuron parait-il de notre pays, le but n'est que de susciter une image de marque ou le logo
est même plus important que le produit lui-même, quand au prix, l'art consiste à ce qu'il soit innaccessible au plus grand nombre,
pour donner l'impression de faire partie de l'élite qui a réussi. Quel besoin de compétitivité dans ce cas ? Certainement pas
sur le plan de la production, à la rigueur sur le thème de l'imagination des publicistes.
Non les clients ne poussent pas prioritairement à la compétitivité maximale.
Compétitivité électorale
Dans un autre domaine, la logique voudrait que des électeurs choisissent le parti qui leur promet le meilleur avenir, celui qui augmente le plus le Smic par exemple ou déclare vouloir le plus s'occuper de leur qualité de vie, celui qui est le plus compétitif en quelque sorte, or le scrutin montre tout autre chose. Parce que les électeurs ne croient pas aux promesses ? Mais c’est valable pour tous les partis ! Parce qu’ils ne font pas confiance ? Quand ils ont expérimenté un échec ils ne devraient pas avoir envie de le réessayer. Non la publicité qui concède une importance essentielle aux moyens financiers mis en œuvre, réussit à orienter les votes. Les gens ne votent pas par raison mais par envie, et l’envie on sait la motiver. Et c’est ainsi toujours parmi les plus riches que s’oriente la majorité, d’autant plus absurde que cette richesse a forcément été constituée au détriment des électeurs ce que leurs votes vont illogiquement renforcer.
Compétitivité et achats institutionnels
Observez comment sont réalisés dans les faits les achats théoriquement les plus réfléchis, les plus « professionnels » : Les appels d’offres des grandes institutions sont trop souvent soumis à des favoritismes, mêmes les ventes d’armes en international passent par d’énormes commissions souvent révélées, alors n’allez pas dire que les achats sont affaire de raison. Surtout quand celui qui décide de l’achat n’est ni le payeur, ni l’utilisateur. Est-il primordial dans tous ces cas d’être compétitif pour vendre ? L’argument reste apparemment très secondaire.
Comment être plus compétitif ?
Réfléchissons, si un chef d’entreprise voulait vraiment être compétitif, il chercherait à avoir le meilleur prix, et ne se contenterait pas de réduire les salaires de ses ouvriers il réduirait aussi son propre salaire et les versements aux actionnaires. Or toutes les évolutions observées démontrent exactement le contraire. Même l’état qui dit vouloir tout faire en théorie pour la productivité, n’hésite pas à s’augmenter lui-même, emprunte encore pour le MES ou le TSCG, se refuse à réduire le pouvoir de ses banques qui n’ont jamais été d’un apport positif pour la compétitivité, at ajoute encore texes sur taxes. En fait la compétitivité c’est essentiellement pour les autres, un argument symbolique de gestion destiné à décorer ses décisions les plus négatives, pardon il faut dire "courageuses".
Compétitivité signifie...
D’ailleurs « être plus compétitif » c’est toujours par rapport à un autre pays ou une autre entreprise, contrairement à l’idée d’ « être plus productif » qui est d’atteindre une meilleure production par rapport à ses propres résultats précédents.
Compétitivité et agriculture :
Cela génère des effets très négatifs, utiliser les produits phytosanitaires, au mépris de l’avenir, tout le contraire de la fertilité qui privilégie l’avenir au présent immédiat. Observez que le jardin familial est la méthode la plus productive mais pourtant aucune notion de compétitivité chez ces jardiniers. Au pire une forme d’émulation souvent enrichie d’échanges de services et de semences explorant une grande variété d’espèces végétales. L’exact inverse de l’agriculture industrielle qui se barde de brevet et d’interdits et se concentre au nom de la productivité sur une monoculture standardisée, morbide pour nos campagnes. Nous retrouvons la limitation de choix, évoquée plus haut, auquel conduit le calcul raisonné, au détriment de tout ce qui fait notre qualité de vie, la variété. La productivité devient le frein à la diversité, casse les partages d’informations, réduit les plaisirs de vivre au lieu de les satisfaire.
Compétitivité et nucléaire :
Dans ce cas elle limite les règles de sécurité au strict nécessaire, le coût du risque doit rester encadré par la nécessité de la marge. Il ne faut pas dépenser plus en sécurité que le coût de l’accident maximal probable. Il ne reste plus qu’à minimiser cette probabilité et la compétitivité peut dicter sa loi. La compétitivité n’a pas peur du risque (d’ailleurs elle en est fière !) et nous fait courir de très graves dangers. La réalité vécue bien que minimisée par nos gestionnaires nous le prouve.
Compétitivité et religion:
Les religions se disputent le cheptel humain, alors qu’elles prétendent enseigner une amélioration des comportements individuels, voilà que compétitivité oblige, la destruction de leurs concurrentes prime sur leur vocation de formation individuelle. Ceci est valable pour les partis politiques, plus soucieux de critiquer l’autre que d’écouter ses membres ou d’inventer des idées neuves.
La compétitivité est je crois, fondamentalement un mauvais concept qu’on confond allègrement avec efficacité. Alors que c’est l’exact contraire, L’efficacité voudrait une fabrication raisonnée d’objets utiles durables et pratiques, la productivité exige une avalanche de marchandises vendables, usables, dont l’usage doit très vite être limité par des effets de mode, une absence de facilité de réparation. A la valeur d’usage se substitue une valeur d’échange quitte à gaspiller ressources naturelles, énergies, heures de travail et saturer la planète de déchet. Alors non je ne veux pas plus entendre cet éloge de la compétitivité.
Compétitivité et sport :
Résultat le dopage remplace l’émulation. J’observe que la qualité du jeu devrait être plus importante que le résultat, mais la compétition conduit à utiliser drogues ou tricheries, quitte à nuire au spectacle. La compétitivité détruit l’essence même de ce qu’elle est censée promouvoir.
Education
Mais la compétitivité est aussi appliquée à l’éducation en plus d’être enseignée ! Le but est devenu le résultat final : Le diplôme et l’embauche, ne dit on pas éducation ? C'est-à-dire conduire vers un but, qu’on est loin de l’idée d’instruction publique ! Apprendre devient un outil, une obligation et non une joie dé découvrir, l’école est souvent détestée car subie. Malheur à l’enseignant qui voudrait écouter les demandes de ses élèves, il a un programme, un chemin bien tracé, il doit arriver à produire des citoyens suivant un modèle prédéfini. Toutes les actions de solidarité, transfert d’information pendant un examen par exemple sont interdites, ce serait tricher ! D’ailleurs réfléchissez à qui sert un examen, sinon examiner si le résultat est conforme au produit attendu. Dire que plus tard pour plus de compétitivité il leur sera demandé de savoir travailler en équipe !
Allons jusqu’à l’extrême :
Dans les trafics de drogues, aboutissement insensé de la liberté d’entreprendre, la compétitivité préfère éliminer physiquement ses concurrents, par meurtre ou balance aux policiers, plutôt que de tenter d’améliorer la qualité du service et des prix pour la satisfaction des clients. Ces pratiques sont-elles vraiment éloignées, des pratiques industrielles ? Quand cela consiste à détruire le concurrent pas des lois ou des dumpings, si possible le racheter pour pouvoir mieux le fermer. Tenter de voler les secrets de fabrication, s’approprier des clientèles par une « fidélisation », construire des exclusivités, des interdictions d’installation concurrentes, tout cela reprend la même logique détruire l’autre au lieu de se parfaire soi-même.
Compétitivité individuelle
Si la compétitivité est par rapport aux autres, il existe quand même une forme de productivité individuelle que les coachs enseignent, optimisation de son temps, éliminations des actions non rentables, déceler les activités parasites, etc.… Tout cela pour atteindre l’extase du résultat plus essentiel que le plaisir de l’action elle même. Pourtant en sport le plaisir est plus de contempler le déroulement du match que d’assister à la remise de médaille au vainqueur. Imaginez un cinéma où le Happy End serait plus important que l’intrigue ? Quelle tristesse ! Quel manque de vie. La compétitivité adaptée au cinéma serait un film où la chute finale serait plus importante que le scénario ! S’imposer une compétitivité personnelle revient un peu à nier le plaisir d’agir, pour ne viser que le résultat, détruire ses envies spontanées pour n’être que meilleur que l’autre !
Cette compétitivité appliquée à soi-même revient à éliminer tout acte considéré comme négatif, devenir soi-même une machine optimale, est-ce le but de la vie ? Manger pour vivre ou vivre pour le plaisir de manger ? Dormir pour le nécessaire repos ou le plaisir de dormir ? Et tout cela pour quoi ? Une gratification de l’égo par rapport aux autres ? La prétention de s’offrir des vacances plus luxueuses que celle des autres ? Mais le but de la vie est évidement ailleurs, la productivité veut augmenter le temps de travail et diminuer les salaires, travailler tout le temps et ne pas être payé, l’idéal abouti est donc la machine, ce qui précisément n’est pas vivant.
L’émulation est un formidable moteur pour se dépasser, cela consiste à agir sur soi-même, la compétitivité est un handicap à la réussite collective, car elle finit par vouloir agir sur les autres pour les dominer. S’approprier la réussite au détriment des autres au lieu de chercher à réussir ensemble. Elle n’est pas la vraie cause de la réussite. Son but n’est pas de satisfaire le client, ni optimiser le fonctionnement de l’entreprise, mais uniquement de satisfaire les appétits de l’actionnaire et du gestionnaire.
Diminuer très fortement le temps de production et augmenter le temps de vie, partager des objets, solides, utiles, durable, et beaux que des machines font à notre place, est-ce un rêve inaccessible ?
En tout cas c’est exactement le contraire de ce que propose la compétitivité.
Pour confirmer ce qui a été écrit il y a deux ans: Un article du Cabard enchaîné :
Page écrite le 12-10-2012
Intervenant J.Christophe - le 26-10-2012 à 12-55
Merci pour ces analyses, ce temps de partage, reflets d'une réflexion profonde et holistique dont la fraîcheur originale emplit malgré la gravité du sujet...
Nous pourrions glisser sur les effets secondaires engendrés par cette compétitivité acceptée unanimement, je pense à cette méritocratie à la mode depuis quelques décennies. Outils de broyage des individus les moins performants, « le maillon faible » que l'on peut évincer sans cas de conscience. La société se privant ainsi des ressources des plus sensibles, ne peut que foncer dans un mur. Ironie du sort, pour une efficacité immédiate, l'ensemble des détenteurs de richesse et d'outils de production se lèsent de leurs principales chances de trouver des solutions originales et durables qui rendraient leurs entreprises pérennes !
Au plaisir de vous lire à nouveau.