Intervention sur la LAICITE (Salon - 07-12-2013).
LAÏCITE - Ni dogme, ni conviction, une simple règle du jeu.
Comme vous, je suis convaincu de proposer la meilleure conception de notre société.
D’ailleurs si tout le monde était d’accord avec moi, le monde serait parfait, qu’elle que soit l’idée de départ.
Si tout le monde était de la même religion ou du même parti politique, plus de problème (Quoique il y en aurait toujours un qui se croirait plus parfait que les autres !).
Mais vous avez remarqué: nous sommes tous différents !
Chacun de nous par ses origines, sa famille, sa région, les aventures de sa vie, le hasard des rencontres et des métiers, s’est forgé une opinion, des convictions, des croyances parfois, mais comme nous n’avons pas eu ces mêmes parcours nous n’arrivons évidement pas aux mêmes conclusions.
Vous avez aussi remarqué que nous devons vivre ensembles !
Comment vivre ensemble en paix et harmonie, avec nos façons de penser si différentes ? Alors nous nous sommes données des règles, des lois, pour éviter les conflits ou au moins pour que ces conflits restent limités à des joutes verbales et ne dérivent pas vers des actes destructeurs.
Donc à quoi sert une règle ? A nous permettre de vivre ensemble. Tous !
Sur quels principes peuvent être écrites ces règles ?
Puisque nous sommes de fait, en train de partager le même espace vital, une règle ne peut exclure qui que ce soit en fonction de ce qu’il est ! Elle ne peut que se limiter à réprimer ses actes quand ils nuisent aux autres.
Donc dès qu’une règle étiquette tel ou tel groupe de citoyens, ou privilégie une conviction, elle génère dès sa rédaction une déviance, parfois une délinquance: Celui qui fera ou non partie de ce groupe ne sera pas jugé de la même façon, il sera, de fait, inégalitaire devant cette loi, parfois même hors la loi.
Ainsi une loi qui mentionnerait cette appartenance à un groupe quel qu’il soit, Roms, Musulmans, Chrétiens, etc.
ne peut pas être une règle valable, car suivant ce que vous êtes de ce groupe ou non, vous êtes soumis ou non à
un regard différent de par cette loi. Cela est fondamentalement injuste car vous n’êtes pas responsable
de ce que vous êtes, seulement de ce que vous faites.
Et si une loi se réfère à une conviction religieuse ou autre, de même elle définit des citoyens favorisés, ceux qui correspondent à cette conviction, et d’autres citoyens, de seconde zone, bref défavorisés.
Donc une règle, une loi ne doit juger que des comportements, jamais des convictions, elle doit s’appliquer à tous les citoyens sans faveur ni défaveur.
Si le premier rôle de l’état est de permettre de bien vivre ensemble, il apparait logique d’exclure de sa loi primordiale, sa constitution, tout dogme et toute référence à un groupe quelconque.
La séparation des religions et de la république, n’est donc pas un dogme, ni même une opinion, c’est un principe logique qui s’impose à tous dès qu’on réfléchi un peu comment bien vivre en harmonie.
En échange cette séparation permet à chacun de croire à ce qu’il aime croire, de penser ce qu’il veut, et même de l’exprimer publiquement.
Avec la laïcité vous faites cadeaux aux autres de la plus belle liberté, celle d’être ce qu’ils veulent être,
de penser librement, vous leur accordez même la liberté de vous critiquer ! Car nous sommes libre de la liberté que nous accordons aux autres.
Avec la laïcité vous construisez l’égalité devant la loi, nul ne peut être jugé pour ce qu’il pense, pour ce qu’il est, pour ce qu’il critique, mais uniquement pour ce qu’il fait aux autres !
Avec la laïcité vous bâtissez la fraternité, un monde plus tolérant, plus riche de toutes nos différences exprimées, progressant plus vite par ses libres confrontations d’idées.
Ne faisons pas de la laïcité un dogme, elle n’est qu’une règle du jeu, rien de plus, n’en faisons pas un combat, elle n’est que l’outil qui permet de calmer les combats, n’en faisons pas un intégrisme, elle est par construction tolérante.
N’en faisons pas toute une histoire, bien que l’histoire de son élaboration révèle un long et douloureux apprentissage collectif, nous enseignant sa puissance et ses limites, peut-être qu’en voulant trop parler de son passé nous risquons d’en donner une image ringarde de vieux combattants, alors qu’elle est la pierre la plus solide d’une fondation de l’avenir.
Mais puisque vous continuer de lire cela, je pense que vous avez déjà compris ce qu’apporte la laïcité.
Je voudrais donc évoquer son utilisation actuelle:
Aujourd’hui certains s’approprient la laïcité, en disant: « elle me permet de m’exprimer, alors je m‘exprime, elle me
permet de critiquer alors je critique !...» C’est tout à fait dans la mentalité actuelle qui s’inquiète de ce
que les autres peuvent nous apporter et oublie ce que nous pouvons apporter aux autres.
Ou est la générosité de la laïcité dans une telle conception ? Celui qui critique une culture, une religion,
une ethnie en place de comportements individuels, présupose avec injustice que chacun issu de cette culture
sera à priori forcément "coupable".
Les racismes, l’islamophobie, l’anticléricalisme, les extrémismes, osent s’appuyer sur la laïcité et savent
très bien recopier et utiliser ses textes, mais appliquent leurs critiques sur des groupes sociaux, ou des
convictions et les accusent d’exister ! Critiquer, accuser un citoyen de ce qu’il fait causant du tord aux autres, est normal, puisque cela nuit au vivre ensemble. Mais accuser une religion ou un groupe de citoyen d’exister et de s’exprimer, ne permet aucune solution, ces accusés ne peuvent changer ce qu’ils sont, ne peuvent pas nier leur façon de penser, ne peuvent pas accepter même de se taire, il ne leur reste qu’une solution se défendre ! Cette utilisation de la laïcité devient un non sens car au lieu de permettre le bien vivre ensemble elle mène au conflit, à la guerre.
Ca y est je me serais pris au piège moi-même, en étiquetant des groupes de citoyens sous les dénominations racistes, extrémistes, et je les accuse de ce qu’ils pensent ! Peut-être pas car la limite est subtile, je ne les accuse pas de penser cela, ni de s’exprimer ou de critiquer, mais de vouloir inscrire en terme de loi leurs convictions ! Là est ma limite !
Voilà des exemples où je trouve que la laïcité est niée :
- Quand des chrétiens voulaient inscrire que le christianisme est le fondement de l’unité européenne, plaçant les musulmans, bouddhistes ou athées en citoyens de seconde zone.
- Quand des républiques islamistes (antinomie) veulent inscrire la charia dans leurs constitutions, plaçant les autres déjà hors la loi avant même qu’ils n’aient fait quoi que ce soit.
- Quand un président ose dire « l’instituteur ne pourra jamais remplacer le curé ou le pasteur », oui il a le droit de le penser et même de le dire, mais pas en tant que discours présidentiel, seulement en tant qu’individu, s’il préside à la France, il représente tout le monde, donc pratiquer la laïcité et refuser de favoriser un dogme même s’il pense sincèrement que c’est le meilleur du monde.
- Quand on interdit un spectacle qui pourrait offenser une religion.
- Voir aussi le scandaleux accord dit "Vatican/Kouchner".
Tous ces choix plantent des banderilles dans le bien vivre ensemble, avant sa mise à mort dans des conflits destructeurs.
La laïcité est une règle du jeu séparant les dogmes des lois.
Quelques applications (un peu provocantes) que je voudrais vous soumettre :
En France, les populations et les pratiques changent et c’est un constat, alors cela induit aujourd’hui un problème : Nous avons trop d’églises et pas assez de mosquées. Nous avons une réponse: la laïcité. Observez ce qui se passe dans les cimetières, une salle est utilisé tour à tour par les familles quelles que soient leurs convictions religieuses, pour faire leurs deuils à leurs rites.
Pourquoi la république ne consacrerait pas officiellement des locaux comme salle de recueillement, confiées tour à tour aux associations qui en ont besoin, ça tombe bien, le vendredi aux musulmans, le samedi aux juifs, le dimanche aux chrétiens, le lundi aux athées, le mardi aux francs-maçons, etc.….
Nous opposons souvent l’espace privé et l’espace public, pour indiquer où s’applique ou non le droit d’exprimer nos convictions religieuses, ne pourrait-on pas distinguer un découpage plus précis de l’espace, exemple le privé, le public, le commercial, et l’espace républicain, etc. Chez soi l’espace est totalement privé, La rue est libre, les commerces sont en partie public soumis à des lois, la poste l’école ou la mairie sont des espaces républicains où la laïcité est la règle.
Application concrète, la liberté dans la rue de s’habiller reste possible, après tout chacun peut affirmer ce qu’il pense, interdire de se cacher le visage est même illogique car cela empêche de se mettre des masques anti-pollution, ou des filtres destinés à ne pas transmettre nos maladies aux autres l Cela interdit aussi les déguisements donc l’expression artistique dans la rue.
A la poste, à la mairie, espace républicain, interdire de se cacher le visage est logique, nul ne peut cacher son identité pour accepter d’être identifié, mais le signe religieux du citoyen n’est pas vraiment gênant.
A l’école, à la crèche, espace de transmission, tout acte ou signe qui exprimerait une conviction devient gravement injuste car elle indique un favoritisme ne laissant pas aux enfants le libre choix de leur construction individuelle.
Découper des espaces d’applications différents permettrait de mieux définir des règles d‘application circonstanciés de la laïcité.
Mais aujourd’hui si tant de groupes sociaux se revendiquent contre la laïcité dans le monde, c’est à mon avis, pour se défendre contre un dogme dévastateur qui domine le monde, celui de la finance libérale.
Oui c’est un dogme imposé malgré les votes républicains.
Oui c’est un dogme, avec sa répression, celui qui le critique risque gros Jean-Pierre Chevallier, s’est fait condamner en justice, le plaignant étant la Société générale. Son crime de lèse-banque ? Avoir parlé du ratio de solvabilité de différentes banques – dont la Société générale –, et avoir ainsi « diffusé une information inexacte sur le niveau d’endettement de cet établissement bancaire ». Amende 10 000 euros.
Oui c’est un dogme, avec sa censure, car sa critique est interdite d’expression, la preuve ce prix Nobel d’économie français (c’est rare chez nous un prix Nobel) Maurice Allais, mort en 2010, est resté très peu connu car jamais les médias ne lui ont donné la parole. Son tord ? il exprimait des idées fort différentes du dogme actuel qui sévit en économie.
Oui c’est un dogme, avec ses pontifes, les grands banquiers, auxquels vous êtres obligés de faire confiance, sinon c’est votre argent, la valeur de votre travail, qui ne vaut plus rien puisqu’ils l’ont fondé précisément sur cette confiance. Pour maintenir cette confiance, nous sommes obligés de payer leurs erreurs, sans même pouvoir leur imposer de ne pas recommencer.
Oui c’est un dogme, qui soumet les états et leurs législations à ses directives, lisez simplement les règles européennes de fonctionnement du TSCG et du MES (très critiquées mais pourtant immédiatement signées par notre président actuel), négation totale de la démocratie. Quand un dogme dicte la loi il n’y a plus de loi.
Aujourd’hui ce dogme a été inscrit dans la constitution européenne, c’est cela la gangrène de l’Europe. Au nom de la laïcité, pour reconstruire notre vivre ensemble, nous devons séparer ce dogme des lois publiques, il n’a rien à décider de nos affaires publiques, ou en Europe, ou en France, à votre choix.
Séparation des dogmes, choix de chacun, et des lois, choix de tous, voilà la laïcité, règle du jeu qui vous offre la liberté de penser, de vous exprimer, et même de critiquer, mais vous interdit d’imposer aux autres, par des lois, vos convictions.