Un témoignage sur l'action des CRS à Marseille.
L'ignorance volontaire.
Symptomatique d'une maladie politique chronique et de la faillite du modèle descendant
Tout est parti de la station métro Notre Dame du Mont à Marseille dans une bonne ambiance en réponse à un appel pour une manifestation pacifique inscrite tout simplement dans le cadre du droit à un logement décent. Des milliers de citoyens, hommes et femmes, jeunes et adultes traversent le boulevard Louis Salvador, rue de Rome et Canebière en direction de la mairie située dans une posture imposante en parallèle à la mer du côté du Vieux Port. Il faisait beau avec un soleil qui s'éloigne dans une couleur dorée magnifique comme le sable du désert. Mais il ne voulait pas partir vite. J'avais l'impression qu'il voulait rester plus de temps avec nous pour nous réchauffer pour ce premier jour de décembre 2018 après plusieurs semaines de pluies sans arrêts.
Je me mettais à gauche, à droite, au milieu, au début et à la fin pour aimer cette diversité énorme de la population bien engagée sans contrainte dans la volonté d'être ensemble, signée enfants de Marseille. Impossible de fermer les yeux devant l'intensité des couleurs aux contrastes spatiales denses.
Rien de débordement ou d'inquiétude jusqu'à dix sept heure plus (17h +) sur la suite qui pourrait être interprétée par les acteurs de
la désinformation de violence ou d'incivilité.
Les manifestants animés par un esprit pacifique avancent dans un cortège discipliné dans la spontanéité pour
se constituer en un rassemblement dense devant la façade de la mairie, leurs pieds sont justes à la limite de la mer, séparée du bâtiment
de la mairie par une esplanade qui allonge intégralement le Vieux Port, très appréciée par l'ensemble y compris par les
oiseaux malgré l'absence des arbres.
Quelques minutes passées après la convergence vers la mairie, je vois de la fumée du gaz lancé par les forces de l'ordre qui empêche les rayons de soleil de nous réchauffer et j'entends de l'explosion assourdissant au cœur du rassemblement sans comprendre pourquoi cette agression gratuite. Les manifestants ne demandent pas du luxe ou de l'impossible. Ils demandent aux autres qui ont le pouvoir de décider de les écouter et de les comprendre. L'ignorance volontaire et l'indifférence sont devenues des composantes centrales dans le fonctionnement des décideurs. Et pourtant, ils prétendent agir au nom de la démocratie. Quel paradoxe ! Ce sont eux les promoteurs des insécurités dans l'emploi, dans la santé, dans le logement et même dans la vie tout court. Ils sont dans le déni total et permanent et dans une véritable maladie politique chronique au sens défini par Jill Stein (2016). https://reporterre.net/Les-Etats-Unis-sont-comme-une-maison-rongee-de-l-interieur-et-sur-le-point-de-s
Plus grave encore. Cette impuissance de regarder le réel et de reconnaître des faits têtus est symptomatique d'une
crise de l'intelligence de la soi-disant élite au sens défini par Michel Crozier (1998).
Je me retourne derrière moi pour voir une issue possible qui me permet d'échapper au gaz qui m'a aveuglé et bloqué toute possibilité de respirer, aggravée par le problème d'asthme qui me fais souffrir. Je voyais la mer juste devant moi et la foule qui s'emporte comme des vagues dans une prise de conscience et des appels : «Ne pas paniquer et ne pas courir ! Marchez doucement et continuez à respirer». Je voyais difficilement des enfants accompagnés par leurs parents qui pleuraient, criaient et disaient : «Pourquoi ils font ça ? J'ai peur».
Tandis que moi, je me battais dans un effort désespéré pour récupérer mon fonctionnement physiologique respiratoire dans chaque geste et chaque pas qui m’éloignent de l'intensité du gaz. Je ne sais comment dans une foule compacte, trois jeunes m'ont pris dans leur bras et m'ont mis plus loin de l'espace du gaz pour reprendre mon esprit et récupérer le fonctionnement normal de mon système de respiration.
Je n'ai pas pensé à moi mais je me suis posé des questions sur des drames qui auraient été vécus si les manifestants gazés étaient pris de panique et tombés directement dans la mer, déjà profonde et sur-meublée des bateaux de pêches de plaisance. Voir photos. Une qui permet d'évaluer la distance entre la mairie et la mer a été prise le 02 décembre 2018.
Est-ce que cette mairie avait pensé aux conséquences graves dans l'attaque des manifestants rassemblés devant ses façades et que derrière eux il y a la mer qui les encercle, coupables d'avoir demandé un peu de justice sociale et une écoute ? En plus, il a déjà commencé à faire nuit. Ils savent que cette justice n'est qu'un système de punition collective et systématique des pauvres et des vulnérables.
Gazés dans le sec et menacés des noyades auraient pu être un massacre, coupables d'avoir dit non au mépris et aux spéculations politiques de mauvaise odeur dont ils font l'objet depuis longtemps. Se boucher le nez contre le gaz aspergé n'est pas un problème majeur mais pour se boucher le nez contre l'odeur mauvaise du politique aux effets dévastateurs ne se réalisera que par un affranchissement collectif et conscient.
Plus jamais ça !
Situation décrite samedi 01 décembre 2018 à la limite de dix huit heures devant la mairie de Marseille (vieux port).
Ecrit par M'hamed EL Yagolubi. Voir ce site :