Proposé par Alain NICOLAS :
Les rapports sur les découvertes archéologiques scientifiques
restent-ils crédibles alors qu'ils peuvent
être censurées par des intérêts économique ou politique ?
Article proposé par Alain NICOLAS : Les rapports sur les découvertes archéologiques scientifiques restent-ils crédibles alors qu'ils peuvent être censurées par des intérêts économique ou politique ?
S.O.S. Archéologie-corderie
Je tiens à témoigner de la situation, inacceptable en France, dans laquelle les connaissances produites par l’archéologie
souffrent d’une maladie incurable : l’obligation de réserve.
Depuis la création de l’Institut National des Recherches
en Archéologie Préventive (l’INRAP), la loi oblige les aménageurs à vérifier si le site sur lequel ils vont construire
(autoroute, immeuble, centre commercial...) ne recèle pas dans son sous-sol de vestiges archéologiques importants.
L’INRAP procède donc, avec de vrais professionnels, à des sondages dont les résultats doivent être rendus publics.
S’il s’avère à la suite de ces sondages que leurs travaux révèlent des vestiges scientifiquement intéressants, le site est
fouillé pendant une période pouvant être assez longue, interdisant ainsi toute construction.
Un rapport objectif,
rédigé par la directrice ou le directeur du chantier est officiellement remis à l’INRAP, à l’aménageur et au Ministère
de la Culture, les archéologues de ce ministère, fonctionnaires d’Etat, étant soumis eux aussi à l’obligation de réserve.
Les archéologues de l’INRAP sont toutes et tous très compétents sur les plans des connaissances et des techniques de fouilles.
La poursuite de l’aménagement prévu est enfin soumis à un appel d’offres.
Les vrais problèmes commencent là...
En effet, payés directement ou indirectement par les aménageurs, les archéologues ont une obligation de réserve sur ce
qu’ils ont découvert. Celà signifie qu’ils n’ont le droit de dire et de conclure que ce que leurs employeurs les autoriseront
à dire et conclure. On est alors en droit de penser que, si le projet d’aménagement du site en question est financièrement
important, et si de longues fouilles risquent de le faire abandonner, les décisions à prendre par les aménageurs sont cruciales.
Le cas de la carrière du 5ème siècle avant JC à Marseille-La Corderie est exemplaire de cette situation en 2018.
Les aménageurs et toute la chaîne décisionnelle qui inclut la municipalité, Vinci et les services du Ministère de la Culture
ont décidé, contrairement à l’avis d’un comité scientifique hautement compétent créé à l’initiative des habitants, de sacrifier
ce site unique dans le monde antique pour y construire un immeuble de grand luxe.
La presse et le médias se sont abondamment
fait l’écho de ce qui est, pour la plupart, archéologues compris, un scandale...
Il faudrait, selon moi, revenir à une situation administrative antérieure dans laquelle nul ne pouvait supposer que
des recherches et des avancées scientifiques ne soient pas indépendantes de pouvoirs politiques ou économiques.
Il ne s’agit pas d’augmenter les budgets de l’archéologie en cette période dramatique pour notre économie, mais de rendre
les connaissances produites par les archéologues, sérieuses et crédibles car vérifiables par tous : quel scientifique peut
croire les déclarations d'un collègue soumis à l'obligation de réserve par son employeur ? Aucun...
Alain NICOLAS
Docteur en Archéologie